SPORT365.FR, 05.10.2006

Alain Prost:
"Un vrai suspense"



Interview: Jean-Moise DUBOURG

Comme lors de chaque Grand Prix, Alain Prost nous livre son analyse avant le rendez-vous nippon, ce week-end à Suzuka. Le quadruple champion du monde a bien du mal à dégager un favori.

Alain, ça y est, Michael Schumacher est passé en tête du classement. Pensiez-vous il y a trois mois que le Championnat prendrait cette tournure ?
Personne ne peut être jamais sûr de rien en course automobile. Ça évolue tellement. Ce qui est évident, on l’avait d’ailleurs dit dans cette rubrique dès le mois de juin, c’est que Ferrari et Schumacher paraissaient extrêmement confiants au sujet de la deuxième partie de la saison. Il y avait certainement des raisons objectives mais il y avait aussi 25 points de retard. Rattraper 25 points face à une équipe aussi bonne et structurée que Renault, et face à un pilote comme Alonso, c’est déjà un petit exploit. Maintenant, il reste à concrétiser. Mais ce qu’a fait Michael Schumacher permet presque à Ferrari de sauver d’ores et déjà la saison. Ils ont vraiment envie de remporter ce Championnat et de terminer en beauté avec Schumacher. C’est vraiment une belle fin de Championnat avec une demi-saison pour Renault-Alonso et une autre pour Ferrari-Schumacher. C’est assez rare dans les annales.

Maintenant rattrapé par Ferrari, l’écurie Renault ne serait-elle pas tentée d’assurer le titre constructeurs en délaissant un peu Alonso - qui part chez McLaren en fin de saison - au niveau des pilotes ?
C’est ce que Fernando Alonso dit. Il y a d’ailleurs une polémique dans la presse espagnole qui à mon avis est complètement démesurée. Qu’il y ait une vraie volonté de Renault de jouer en priorité le titre constructeurs, qui est plus exploitable, c’est la nature même des choses bien que le titre pilotes soit beaucoup plus médiatisé. Alonso s’en allant éventuellement avec le n°1 chez McLaren, ça ne fait jamais plaisir. Mais pour gagner le titre constructeurs, il faut de toute façon tout faire pour remporter le titre pilotes donc je pense que c’est une polémique qui n’a pas vraiment lieu d’être. C’est plus, encore une fois, de la psychologie. La psychose de prendre le risque superflu en Chine (NDLR : Renault a changé les pneus avant d’Alonso lors du premier ravitaillement en voulant assurer alors que laisser les mêmes gommes aurait été meilleur sur le plan de la performance pure) a fait qu’ils ont choisi une stratégie qui n’a pas réussi. Renault est meilleure en attaquant. Rappelez-vous aux mois de mai-juin ce que je vous disais : Il ne faut surtout pas commencer à assurer mais attaquer, attaquer, attaquer tout le temps. Parce que c’est là où on se retrouve dans une position de faiblesse et que l’on fait des erreurs. Renault doit maintenant inverser la vapeur et voir les choses différemment pour les deux derniers Grands Prix.

Revenons sur les tensions Renault-Alonso. On les craignait en début de saison, en raison de l’annonce de la décision de l’Espagnol de rejoindre McLaren en 2007. Elles éclatent au grand jour au plus mauvais moment.
Elles ont toujours existé ces tensions entre Alonso et Renault, dans le style « Je t’aime, moi non plus ». Maintenant, elles sont exacerbées parce qu’Alonso a le sentiment - un peu teinté de paranoïa… - que Renault veut jouer uniquement le titre constructeurs. Ce qui est à mon avis n’est certainement pas vrai. Mais il y a tout de même une tension et un peu d’équivoque.

Sur le circuit très difficile de Suzuka, les pneus auront bien sûr encore un rôle prépondérant dimanche. Comment voyez-vous cette course ?
C’est impossible à dire aujourd’hui. D’abord parce que Suzuka est un circuit extrêmement compliqué, certainement le plus dur de la saison. Ensuite parce que Bridgestone fait énormément d’essais là-bas tout au long de l’année. On serait alors tenté de dire que Bridgestone, qui équipe Ferrari, a un petit avantage. Mais, Michelin a toujours été très performant à Suzuka. Tout va dépendre des conditions météo. Il est assez rare de voir Suzuka sans pluie pendant tout un week-end. Or, on l’a vu en Hongrie et en Chine, sous la pluie, Michelin domine Bridgestone. S’il fait au contraire très chaud, c’est un tracé qui devient très compliqué pour les pneumatiques. Mais comme les manufacturiers ne peuvent amener tous les différents types de gommes répondant précisément à toutes les conditions météo - ce qu’on peut très bien avoir à Suzuka, c'est-à-dire des différences de températures énormes - ce sera une question de stratégie, de choix de pneus et de météo. Le côté psychologie ou réglage de voiture viendra faire le reste. Donc, c’est un vrai suspense. On aura sans doute des indications dès les premiers essais mais d’ici là, je n’arrive pas à dégager un favori.



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