SPORT365.FR, 20.06.2008

Alain Prost: « Kubica, un favori à part entière »


Interview: Jean-Moise DUBOURG

Alain Prost estime qu’après sa victoire à Montréal, Robert Kubica bénéficie d’un nouveau statut de favori. Mais selon le quadruple champion du monde, le Grand Prix de France devrait se jouer entre Ferrari et McLaren.

Avant le Grand Prix du Canada, on considérait Robert Kubica comme un sérieux outsider. Après sa victoire à Montréal, peut-on désormais le considérer comme favori?
Je pense qu’on en effet doit le considérer comme un des favoris. C’est assez paradoxal de se poser cette question car la BMW et Kubica ont toujours été là. C’est le plus régulier des pilotes de pointe. Toujours un petit peu en retrait en performances avec des deuxièmes places. Sa victoire au Canada est tout de même due à cet accrochage rocambolesque dans les stands. Mais cette victoire est là au bout du compte. Comme c’est le pilote le plus régulier, il s’inscrit maintenant dans cette position de quelqu’un qui, avec son équipe, va être remonté à bloc. Ils ne vont rien lâcher. Est-ce que cela va leur permettre d’aller un peu plus loin au niveau des performances ou les empêcher d’être aussi décontractés qu’ils ne l’étaient à présent? Ils n’avaient rien à perdre puisque leur objectif était de gagner au moins un Grand Prix et d’être champions du monde l’année prochaine. Leurs plans changent et dans ces cas-là, on ne sait jamais. En tous cas, on ne peut plus dire que Kubica est l’outsider. Il doit être considéré comme un favori à part entière.

Assiste-t-on à une redistribution des forces en présence? BMW est-il devenu l’égal de McLaren et Ferrari?
BMW n’est pas encore l’égal de McLaren et Ferrari en termes de performance et d’expérience. Par contre, on s’aperçoit qu’avec les nouveaux règlements, il y a beaucoup plus de stratégies et d’erreurs possibles. La régularité paye un peu plus qu’auparavant. Un pilote comme Kubica, qui est une vraie révélation, peut se retrouver dans une position plus confortable qu’un pilote comme Hamilton, qui doit et veut absolument être champion du monde après avoir raté le titre l’année dernière. Räikkönen est toujours motivé. Massa veut prendre sa revanche par rapport à son coéquipier. Il y a une psychologie qui joue en faveur de Kubica aujourd’hui. Mais les choses peuvent basculer très vite en fonction des circuits à venir.

Comment Kubica a-t-il réagi devant ce nouveau statut?
Kubica est quelqu’un de très sympathique et assez nature. Il ne se prend pas trop la tête. Pour l’instant, il est assez serein. Il a une équipe qui le soutient beaucoup. Cela peut être une vraie force pour lui. Maintenant, la faiblesse est que malgré tout, la performance de sa voiture est en dessous. Est-ce qu’en plein milieu de saison ils pourront développer un peu plus et prendre plus de risques? On devrait avoir des réponses lors des trois prochains GP un plus traditionnels avec la France, l’Angleterre et l’Allemagne.

Que doit-on penser des erreurs commises par Hamilton, comme cet accrochage dans les stands au Canada? Est-ce une question de mental?
Je crois qu’il y a des moments où tout nous réussit. L’année dernière, il a fait des choses incroyables, comme par exemple des dépassements très audacieux. Nous avons toujours crié au miracle et au génie alors que de temps en temps, il suffit de très peu de choses pour faire une erreur. Il l’a déjà fait l’année dernière: rappelez-vous à Hungaroring aux essais sous la pluie… Mais ça n’avait pas prêté à conséquence. Là, oui car il était en tête du Grand Prix. Il aurait dû gagner assez facilement avec la voiture dont il disposait. Donc là, c’est un peu de pression supplémentaire à chaque fois qu’on fait une bourde. Celle-ci restera dans les annales. Cela peut vous fragiliser davantage.

Il y a une situation passionnante cette saison avec cinq pilotes très proches au classement. Le championnat peut-il être indécis jusqu’au bout?
Je pense que ça peut rester indécis pendant un moment. Il n’y a plus deux équipes mais trois. C’est assez rare. On a déjà eu un championnat exceptionnel l’année dernière où l’on avait quatre pilotes en lice dans deux écuries différentes. Cette année, ils sont dans trois équipes différentes. Et là, on ne peut se contenter de contrôler une seule équipe. En surveiller deux, c’est très compliqué. On risque d’avoir des surprises. Il faut être très régulier et ne pas faire de fautes. Vu l’attribution des points, la fiabilité des voitures, tout ne sera pas joué à quatre Grand Prix de la fin. C’est impossible.

Ferrari est à la peine en ce moment mais elle retrouve un circuit où elle avait fait le doublé l’an dernier. Imaginez-vous pareil scénario cette année?
Je pense que Ferrari n’a pas eu beaucoup de réussite depuis deux Grand Prix. A Monaco, ils font la pole et ont certainement un peu moins d’essence que la McLaren. Ils étaient certainement moins bien préparés pour la pluie. Hamilton avait eu de la chance avec une faute sans conséquences. Au Canada, Räikkönen était le plus rapide sur la piste au moment de son arrêt au stand. Il y a des stratégies en fonction des pneus qui font que sur des tracés comme Monaco et le Canada, où la piste évolue très vite, on peut avoir des changements de performances très rapides. A Magny-Cours, nous allons revoir la performance intrinsèque de la Ferrari. Je ne serais pas étonné de voir une lutte McLaren-Ferrari. Avec un avantage pour Ferrari.

Quel est votre pronostic pour le Grand Prix de France?
Je place Ferrari très légèrement devant McLaren en conditions normales. Magny-Cours est un circuit où généralement, il ne se passe pas grand-chose mais où l’on peut avoir une stratégie très différente avec beaucoup d’arrêts au stand. Il faut éviter les erreurs dans le trafic et dans les stands. Si la météo s’en mêlait, c’est un Grand Prix qui peut devenir chaotique.

Alonso, qui pense déjà à l’avenir vers d’autres cieux, a-t-il selon vous déjà tiré un trait sur la saison?
Je pense que c’est un peu en-dessous de ce qu’il espérait. Il espérait voir une voiture qui aller évoluer très rapidement dans les premiers Grand Prix. Pour le moment, ce n’est pas vraiment le cas. Je crois que ses performances vont dépendre beaucoup de cela dans les Grand Prix qui viennent. Il y aussi le fait de savoir où il peut aller. Par exemple chez BMW, c’est une possibilité. Chez Ferrari, ça semble un peu fermé. On dit que Räikkönen voudrait arrêter à la fin de l’année mais il n’y a rien de sûr. Donc ce n’est pas uniquement le fait de vouloir s’en aller, c’est aussi de trouver un volant qui corresponde à ses ambitions. Ce qui est dommage, c’est qu’après ce qui s’est passé, son départ chez McLaren, son retour chez Renault… Ça ne donne pas de sérénité indispensable à l’écurie Renault. Ce n’est pas vraiment une bonne situation pour eux.



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