Interview: Eric CAMACHO

Alain Prost porte un regard inquiet sur les récents développements dans le conflit qui oppose les constructeurs à la FIA. Et n’écarte pas la création d’un championnat parallèle en cas d’impasse dans cette crise.

Alain Prost, comment jugez-vous la situation très tendue entre les grands constructeurs et la FIA?
Tout est envisageable y compris le pire. Les grands constructeurs peuvent décider à tout moment d’organiser un championnat parallèle. J’avais participé, il y a quatre ans de cela, à une réflexion de cet ordre et cette volonté de créer un nouveau championnat pourrait redevenir d’actualité.

Qu’entendez-vous par le "pire"?
Ce serait un retrait des grandes écuries comme Ferrari, Renault, Toyota en même temps. Ce n’est pas impossible et c’est plus facile de sortir du championnat dans ce cas-là. Un retrait massif des trois ou quatre grosses écuries aurait plus de poids.

Comment en est-on arrivé là?
C’est très compliqué car il y a plusieurs aspects. Il y a d’abord cette renégociation des accords pour la redistribution des droits TV avec, du côté commercial, Bernie Ecclestone, et, de l’autre côté, les grands constructeurs. Il y a également ce problème de règlements à partir de 2010 avec des modifications qui ne sont pas du goût des écuries, comme la limitation du budget. Les constructeurs se plaignent du risque d’une Formule 1 à deux vitesses. Comme on l’a d’ailleurs un peu cette année. Des avantages seraient donnés à ceux qui dépensent moins. C’est compliqué à gérer même si la volonté de limiter les budgets est quelque chose de très positif.

Cela avantagerait plutôt les "petites" écuries?
C’est difficile pour un grand constructeur de se faire battre, comme on le voit aujourd’hui, par des équipes qui sont réputées "petites". Même si elles ne le sont pas. C’est médiatiquement compliqué à défendre quand on est grand constructeur. Le concept même de l’investissement des constructeurs est peut-être remis en cause. Il y a alors deux solutions : la création d’un championnat parallèle ou le retrait pur et simple de certaines écuries.

Sous quel délai ce championnat parallèle pourrait-il être mis en place?
C’est évidemment très dur de mettre sur pied un tel championnat. Il faut d’abord que les grands constructeurs soient d’accord entre eux. Il faudrait ensuite qu’ils aient le même agenda. C'est-à-dire s’organiser pour créer cela dans les cinq ans qui viennent. Ce qui est très compliqué avec la crise économique. Ou alors il faudra qu’ils fassent la guerre à la Fédération Internationale Automobile pour lui faire changer les règlements. Mais la tâche s’annonce très difficile.