Vous présidez, à la demande du ministre de l’économie Thierry Breton, la commission « Flex Fuel / E85 », pouvez-nous nous présenter ce nouveau carburant ?
Ce nouveau carburant s’appelle E85 car il contient 85% d’éthanol contre seulement 15% d’essence sans plomb 95. Il est conçu pour de nouveaux véhicules qui pourront utiliser soit du E85, soit du sans plomb 95. Son principal avantage est donc sa flexibilité vis à vis du consommateur, moins tributaire de la hausse du pétrole. Si le prix de l’essence augmentait considérablement, l’automobiliste utiliserait davantage du E85 et à l’inverse si le prix de l’essence baissait, il pourrait utiliser le carburant le moins cher. Pour un pays comme la France, l’introduction de ce carburant est une manière d’être beaucoup moins dépendant sur le plan énergétique en ce qui concerne l’importation de pétrole. De plus, la France dispose d’une agriculture performante qui n’attend que de nouveaux débouchés en partie grâce aux réformes à venir. La production de ce produit procurait à notre pays un avantage économique considérable qui nous positionnerait de manière assez forte sur le plan européen. Si les constructeurs jouent le jeu, ce qui semble vouloir se produire, il y aurait un après pétrole très positif pour l’automobile. D’un point de vue technique, l’introduction de ce carburant n’engendre pour les constructeurs que de minimes modifications. On parle en moyenne d’un coût supplémentaire de 200 euros au niveau de la fabrication qui d’ailleurs ne devrait pas se répercuter sur le prix de vente si la production devient plus importante.

Peut-on considérer ces véhicules comme véritablement fiables ?
Au niveau de la fiabilité de ce produit, aucun problème n’a été relevé. En revanche, il ne peut s’adapter aux voitures anciennes et ne concerne que les voitures nouvelles. Il ne faut donc surtout pas essayer de modifier sa voiture pour utiliser ce carburant. Il faudra qu’il y ait un rythme de croissance des véhicules neufs et le Flex Fuel évoluera au rythme du parc automobile français ou européens. Pour la modification des véhicules particuliers, il faudra attendre que toute la machine soit véritablement mise en route. Il faut cependant bien communiquer avec les consommateurs car de certaines filières dans le passé ont échoué à ce stade.

Est-ce la fin de la dépendance énergétique vis-à-vis des pays producteurs de pétrole ?
Dans l’absolu, ce serait l’idéal mais dans la pratique seul le marché décidera, mais je trouve que c’est un objectif que l’on doit avoir. Ce qui reste évident est que l’on va connaître un « pic pétrole » qui dépendra de la croissance des pays émergents. Si dans 20 ans, rien n’a été fait, le pétrole sera très cher car il faudra le trouver là on ne l’a pas encore trouvé. Alors pourquoi attendre 20 ans pour se décider alors qu’on a aujourd’hui un produit qui sort de la terre, qui est écologique et renouvelable ? Quand on examine le bilan, il serait dommage de ne pas se lancer.

Concrètement, quand les consommateurs pourront rouler à l’E85 ?
Aujourd’hui on est tout à fait près. Ce que les gens ne savent pas toujours, c’est qu’il existe déjà une volonté gouvernementale déjà établie et votée que l’on appelle « l’incorporation directe ». Cela signifie qu’aujourd’hui 5% d’éthanol est présent dans notre carburant avec une possibilité de monter jusqu'à 10%. Des agréments ont été signés et des investissements ont déjà été réalisés pour les années à venir. Même si on ne remplacera pas tout le parc automobile français, des gains de productivité seront réalisés et ce carburant se développera rapidement. Les véhicules bio-éthanol seront disponibles dès 2007. Il y aura au moins 5 constructeurs qui seront présents sur le marché français et pour les constructeurs français, une disponibilité de ces véhicules pour mi-2007. A minimum, 500 à 600 pompes seront installées sur le territoire et le prix sera déterminé dans les jours qui viennent par le gouvernement. Le prix de l’éthanol baissera si la production s’étend tandis que le pétrole continuera à augmenter … Sans compter les normes européennes Euro 4, 5 et bientôt 6 qui sont axées sur les émissions de gaz à effet de serre et de CO2. Elles seront à l’avantage de l’éthanol et au désavantage d’autres véhicules dans le futur.