Interview: Eric CAMACHO

Alain Prost jette un œil admiratif sur la performance de Sébastien Loeb, qui a battu le record du nombre de victoires en rallye. L’ancien pilote n’hésite pas à le comparer à Schumacher tout en insistant sur l’association gagnante avec Citroën.

Alain Prost, comment jugez-vous la performance de Sébastien Loeb qui a battu dimanche le record du nombre de victoires en rallye ?
Sébastien est un peu le Schumacher des rallyes. C’est quelque part une trajectoire semblable à celle de Michael si on enlève le problème pilote numéro un et pilote numéro deux. En rallye, cela n’existe pas. C’est celui qui fait la différence qui gagne même s’il peut y avoir des accords normaux dans l’optique d’un championnat constructeurs. Il y a beaucoup d’investissements et il faut l’accepter. C’est le sport moderne.

Comment voyez-vous la suite de sa carrière ?
Je crois qu’il va améliorer très largement ce record dans les années qui viennent. C’est un pilote magique. C’est le talent à l’état pur. Ce qui m’impressionne beaucoup, c’est le peu d’erreurs qu’il fait. Il est toujours compétitif sur tous les types de terrain avec une expérience qui n’est, somme toute, pas si énorme que cela. Il a commencé relativement tard. C’est un talent que l’on voit sur une, deux ou trois générations. C’est le pilote d’exception que l’on a la chance d’avoir en France.

Un pilote français qui roule en plus pour un constructeur français…
C’est vrai que Sébastien a également la chance d’être bien « conduit » et géré par Citroën. Ça aussi, cela fait la différence. Il est mis dans une situation psychologique qui est extrêmement chaleureuse et confortable. Aujourd’hui, dans le monde du sport qui très dur, un monde de business et d’argent, quand on a ce confort psychologique et cette attention au quotidien, c’est pour moi 80 % de la performance d’un pilote. Que l’on soit pilote de rallye ou de Formule 1. C’est peut-être encore plus prégnant dans le rallye où on ne peut pas conduire à 100 %. Il faut tout de même garder une petite marge de sécurité et Sébastien a tout compris. Citroën et Guy Frequelin ont également tout compris.

Est-ce qu’il ne lui manque pas un très grand rival pour médiatiser encore un peu plus ses performances ?
Je pense qu’on ne peut pas dire qu’il n’ait pas eu de rivaux avec des voitures différentes. Même dans son équipe, il a toujours eu des bons pilotes. Quand on voit ce que fait le jeune Sordo aujourd’hui… Mais Sébastien a su se mettre dans une situation où il est le leader et c’est aux autres d’aller le chercher. L’idéal, pour Sébastien mais aussi pour le championnat du monde, serait d’avoir plusieurs constructeurs et pilotes de nationalité différente. Le championnat est un peu plat mais la performance de Sébastien ne peut pas être rabaissée. C’est le plus important.

Est-il possible de le voir un jour en Formule 1 ou est-ce totalement inconcevable ?
Non, ce sont deux mondes totalement différents. On l’a vu avec Valentino Rossi malgré tout ce qu’on a pu lire. Il y a tout de même un monde d’écart. Tout ce que vous avez fait quand vous étiez jeune, tout ce que vous avez appris au niveau du feeling, des départs, de la conduite sous la pluie dans les formules de promotion, ce n’est pas quelque chose que vous pouvez emmagasiner d’un coup. Vous ne pouvez pas passer de la moto à la F1 ou du rallye à la F1.

Il a pourtant passé un test probant lors de sa participation aux 24 Heures du Mans…
C’est vrai qu’il a eu de très bonnes performances avec l’équipe Pescarolo au Mans mais ce sont des courses d’endurance. Je crois qu’il faut être tout à fait réaliste et cela n’enlève rien à son talent. Il est certainement capable de conduire très vite ce genre de voitures et même une F1. Mais de là à faire des Grands Prix et d’être compétitif devant, je pense que c’est malheureusement impossible.